Aladji est un sprinteur non voyant qui a la chance de courrir grâce à son guide Philippe Biscay. Ils se sont rencontrés en 96, alors qu'Olivier leur coach, proposait d'intégrer cet athlète handisport au stage club de l'US Métro. Ce stage fut un réel succé puisque désormais Aladji s'entraine pas moins de 6 fois par semaine avec Philippe !
Aladji est particulièrement integré à l'équipe de France FFA depuis les championnats du monde de Séville en 1999, où il fit une démonstration sur 200m.
Aladji a désormais un sacré palmarès : il est triple champion de France sur 100 et 200m, médaillé de bronze sur 200m aux championnats d'Europe à Lisbonne, et médaillé de bronze au Jeux Paralympiques de Sydney 2000 sur 400m. Impressionant non ? Et bien pas tant que cela, quand on connaît l'athlète, et que l'on voit son sérieux et sa volonté à l'entraînement !!
Vous voulez en savoir plus sur Aladji, connaitre la technique de guidage, alors je vous propose d'aller sur le site d'Aladji construit par son guide: www.chez.com/voirplusloin
 

Né le 
A
Taille:
Poids:
Meilleures performances:
100 mètres : 12"05 
200 mètres : 24"44 
400 mètres : 53"34

Aladji Ba & Philippe Biscay  

 
28 Août 1999 - SPORTS ( l'Humanité)

Fond de couloir : courir en aveugle

Au bout des pointes, la nuit, les stars de la piste se sont éclipsées, un court instant hier soir à Séville, pour laisser la vedette à deux épreuves réservées aux aveugles. Lorsque l'horizon est bouché, sprinter réclame une coordination absolue entre l'athlète et son guide.

De l'un de nos envoyésspéciaux à Séville.

D'habitude, les champions de la piste ont l'oil pétillant, mauvais, rieur. Hier soir, leurs yeux n'exprimaient rien. Le mondial de Séville accueillait pour la première fois deux épreuves (100 et 200 mètres) réservées aux non-voyants ou mal-voyants. Aladji Bâ, vingt-cinq ans, représentait la France. Enfin pas tout seul. Bâ court avec une ombre à côté de lui. Pas celle du soleil. Celle de Philippe, chargé de l'emmener au-delà des ténèbres et au-delà de lui-même.

Il y a quelques années encore, les aveugles couraient sur 100 mètres seuls, un par un, uniquement orientés par la voix de leur guide en bord de piste. Dorénavant, l'athlète court main dans la main avec un valide à côté de lui. Plusieurs écoles existent. Les Français, par exemple, sont reliés par une corde tenue à hauteur du
poignet. Le tout est de former en quelque sorte un alliage inséparable pour que chacun dans son couloir progresse à la même vitesse.

" Philippe et Aladji forment un vrai binôme, estime Olivier Deniaud, entraîneur national de la Fédération handisport. Comme Philippe court dans un couloir extérieur, il doit adapter sa foulée dans le virage. Surtout, il doit posséder sur 200 mètres une marge de plus d'une seconde sur son partenaire (Aladji a un record sur 200 mètres de 24''78). Cette supériorité chronométrique lui permet d'évoluer suffisamment relâché, et de vraiment guider Aladji plutôt que de le suivre. " Ancien spécialiste de niveau national sur 800 mètres, Philippe Biscay s'est reconverti au sprint pour aider son partenaire à franchir le mur de l'invisible. Ensemble, ils lorgnent sur les JO de Sydney. " En 1996, raconte Philippe, j'en avais marre du 800 mètres et comme il y avait pas mal d'athlètes aveugles qui s'entraînaient dans mon club de l'US Métro (Paris), je me suis proposé de leur donner un coup de main. Maintenant, ça fait deux ans et demi que nous travaillons en commun. " Un laps de temps nécessaire pour modeler un sprinter comme de la glaise.

" La difficulté, raconte Deniaud, c'est que le sprint réclame une technique qui va totalement à l'encontre de la cécité. Courir vite, c'est avoir des appuis brefs, griffer la piste, alors qu'Aladji a besoin d'avoir un contact prolongé avec le sol pour faire face à un environnement qu'il ne maîtrise pas. " Pourtant, à l'observer longuement à l'entraînement, la métamorphose s'opère rapidement. Lorsqu'il court avec Philippe à ses côtés, Aladji laisse dans les starting-blocks son allure lourde et empruntée. Cette démarche à tâtons qu'on a tous lorsqu'on se retrouve dans le noir le plus complet. Sur 200 mètres, son pied se fait plus léger. Loin des bêtes de muscle du sprint actuel, Aladji, futur ingénieur du son dans le civil, s'entraîne cinq fois par semaine avec des athlètes valides. " Ce qu'on explique d'habitude en cinq minutes à un athlète, moi il me faudra plusieurs séances pour le comprendre. Il faut que je l'assimile dans ma tête parce que je n'ai aucune base visuelle ", explique le jeune Français.

Atteint d'un cancer de la rétine à l'âge de cinq ans, Aladji a quand même quelques vagues souvenirs d'athlétisme, des flashs qui sont restés dans sa mémoire d'enfant. Des images déformées par le temps. Ainsi imaginait-il le départ en start comme un grand saut vers l'avant. " Je crois que c'est une image télé qui m'est restée des Jeux de Montréal en 1976. Je vois encore ces gens qui bondissaient, qui, d'un seul coup, sortaient de nulle part. " Mais si Aladji s'est fait un monde (virtuel) du départ, la technique elle-même reste une appréhension. Le départ en " bascule " du sprinter pour un non-voyant, c'est comme la terre qui se dérobe. " Au début, confie-t-il, je partais plus assis qu'autre chose. Le problème ne se posait pas. Mais si j'ai peur lorsque je suis en déséquilibre, c'est parce que je ne sais pas à quelle hauteur je suis. "

Plus souvent qu'à son tour, Aladji s'est pris les pieds dans la piste. Qu'importe, l'élève appliqué se relève toujours même si pour lui l'horizon reste bouché. Pas parce qu'il ne voit rien, mais parce que les valides ne courront pas assez vite pour lui ou les siens. " · un moment donné, dit-il en anticipant, il va y avoir des limites à nos records. Si on veut courir en 10''20, il nous faut un guide capable de claquer 9''60... " Maurice Greene, le champion du monde, plafonne toujours à 9''79. " Et puis, ajoute Aladji, malicieux, je ne crois pas qu'il ait beaucoup de temps à m'accorder. "

Frédéric Sugnot